[extrait de l'article à paraitre La métropole oubliée, atelier interdisciplinaire, écrit par Luc Vilan et Roland Vidal] L'atelier « La métropole oubliée » est né de la rencontre entre des enseignants issus de trois établissements différents, une école d'architecture, l'ENSAV, une école de paysage, l'ENSPV et une école d'agronomie, l'INA-PG deven,u AgroParisTech. […]
[…] Cette rencontre s'est faite sur ces territoires hybrides que sont les franges urbaines, là où la ville en expansion se désagrège en mettant en péril les territoires qui l'entourent, c'est-à-dire principalement ceux de l'agriculture.
Observés et analysés par les uns depuis le monde urbain, avec un regard d'architecte et d'urbaniste, par les autres depuis le monde agricole, avec un regard d'agronome, ou encore du point de vue des paysages que génère cette rencontre entre les deux mondes, les territoires en question ont montré que leur complexité ne pouvait être appréhendée sans un croisement de tous ces regards.
Si les écoles, malgré les bonnes volontés qu'elles affichent, ont le plus grand mal à franchir concrètement les frontières de leur discipline respective, les territoires du périurbain, eux, sont par nature transdisciplinaires. C'est de ce constat qu'est né la volonté de monter un atelier appuyé sur la réalité de ces territoires et où se croiseraient les regards issus de ces différentes disciplines.
Pourquoi « La métropole oubliée » ?
Les territoires étudiés sont ceux du périurbain francilien, c'est-à-dire qu'ils sont soumis à l'étalement de la plus grande métropole française. Or nous constatons sur le terrain que le discours sur la métropole et sa médiatisation, notamment en focalisant les regards sur les infrastructures de transports et les grands projets bien dotés en outils d’aménagement, ont tendance à laisser dans l’ombre des pans immenses du territoire. […]
État des lieux
[…] Ce qui caractérise ces périphéries lointaines, cette métropole oubliée, c’est d’abord la domination du pavillonnaire qui, malgré un léger tassement, s’avère toujours un grand consommateur d’espace : alors qu'il représente la moitié des logements construits, le pavillonnaire occupe six à sept fois plus de place que le collectif. Cette sur-consommation d’espace est aggravée par une nette domination du pavillonnaire diffus sur le pavillonnaire compact. Les maison jumelées ou en rangées sont bien moins demandées que les maisons isolées au centre de leur parcelle. Le pavillonnaire s’accompagne par ailleurs de zones d’activités, de zones commerciales, et d’importants réseaux routier qui contribuent eux aussi à l’étalement, d’autant que les villages et les bourgs isolés dans le rural périurbain sont de plus en plus convoités. La principale « victime » de ce phénomène, c’est l’agriculture. Moins bien protégés que les espaces naturels, les espaces agricoles sont aussi ceux qui offrent le plus facilement de vastes terrains plats, d’un seul tenant, utilisés souvent par un unique ayant droit, donc plus facile à acquérir. De fait, si une ville comme Paris s'est aussi bien développée au cours des siècles, c'est parce qu'elle est entourée de nombreuses terres fertiles. Après avoir colonisé les terres humides des vallées, la ville s'étale aujourd'hui sur les terres limoneuses des plateaux, qui comptent parmi les plus productives d'Europe. […]
Étude de cas : la Communauté de communes de l'Arpajonnais
[…] À la recherche des territoires où ces dynamiques d’étalement sont les plus fortes, l’atelier La métropole oubliée s’est porté, en 2013, sur la Communauté de Communes de l’Arpajonnais, dans le Centre Essonne, à 35 km de la Capitale. Cette intercommunalité, dont le SCoT était alors en préparation, affichait des intentions qui nous ont semblé intéressantes : une volonté de protéger un « cœur agricole » et de favoriser « la construction de la ville sur la ville ». Pourtant, en observant les détails des projets annoncés par les PLU, on s'est vite aperçu que la consommation de terres agricoles était loin d’être terminée pour autant. […]
Construire des alternatives au pavillonnaire
[…] Dans tous ces projets, pour être une alternative dense aux lotissements habituels, les nouvelles typologies doivent apporter le prolongement extérieur du logement et l’autonomie recherchés dans le pavillonnaire. Cette autonomie, qui doit répondre à un besoin d'isolement tout en offrant un espace extérieur privatif, est le plus souvent satisfaite en mettant simplement le voisin à distance. C'est cette réponse élémentaire et standardisée qui répond par la sur-consommation d'espace à l'économie d'une véritable réflexion architecturale, alors que cette dernière peut jouer sur les différentes techniques d'isolation, sur la disposition des entrées et des fenêtres, sur un équilibre entre espaces privés, espaces collectifs et espaces publics […]
[…] On le voit, c'est bien d'un déficit de projet que souffrent ces franges urbaines éloignées des centres urbains. Ces territoires sans commande parce que sans projet, sans projet parce que sans commande, interpellent les outils et les démarches d’aménagement. Nous le savons, nous le voyons, l’écart est immense entre la grande échelle des territoires et la toute petite échelle de la construction périurbaine. Cette question, en tout cas, interpelle nos écoles.[…]
Luc Vilan & Roland Vidal, extrait de l'article, La métropole oubliée, atelier interdisciplinaire, dans Ville, territoire, paysage, Publications de l'Université de Saint-Etienne.