Bethléem, Hébron, Bethléem. Regards croisés.
Mercredi 29 septembre 2010, aéroport de Tel-Aviv une nouvelle aventure pédagogique nous attend. Nous arrivons innocents de la Palestine, étrangement innocents. La plaine agricole de Jaffa passe. La route monte, se courbe. Premières collines. La pierre blanche en plaquage, en maçonnerie, la terre plus sèche, les monts de Judée approchent. Jérusalem file. […]
[…] Au loin les remparts. Cisjordanie, premières colonies. Le mur. Premier check-point. Le mur. Hébron. Premières rencontres, Anwar, Alaa. D’autres, nombreuses suivront la Municipalité, le Consulat, Walid, le HCR. Impatients nous voulons courir la ville. Il faut le temps. Le temps d’un protocole sans protocole. Le temps de sentir la ville, le temps de la vouloir. Nous la verrons par le haut, par ses collines. Vision abstraite. Immeubles, maisons, cubes blancs, gris-parpaing, éparpillés, grimpants sur les collines, partout sur les collines. Sous nos yeux, la plus grande ville économique de Cisjordanie s’étale loin, laissant parcimonieusement le souvenir des cultures en terrasses, le souvenir des collines. Nos yeux se décillent, dans la vallée un ensemble plus dense plus ocre, la vieille-ville. Al-Khalil. La mosquée d’Abraham, tombeau des patriarches. Les siècles et la grande histoire du monde méditerranéen nous claquent au visage. La ville vient. Rues de pierre. Sublime beauté. Rien ne nous y-a-préparé. Depuis prés d’un siècle, la question de Palestine voile la Palestine. Le conflit a tout couvert. Hébron, Bethléem, Naplouse, Ramallah, Gaza, enjeux politiques. Les villes sont restées invisibles… ou presque. Le hosh, la grande maison palestinienne tel un arbre généalogique de pierre se déploie de nœuds en bourgeonnements en une collection d’unités individuelles. Loin de l’espace centré des maisons à cour du monde arabe, le hosh a échappé aux enquêtes historiques comme les villes qu’il construit ne trouvent leur place ni en creux ni en plein dans la grande littérature des villes arabes à l’époque ottomane. Peut-être la dimension modeste. Dans un souffle venu d’Oslo l’entreprise patrimoine croise la nation en cette fin de XXe siècle. L’ombre du célèbre keffieh se glisse dans les rues d’Hébron aux 400 maisons réhabilitées. Le prix Aga Khan récompense l’œuvre commune. Bethléem 2000 s’adresse à la planète et la ville se refait une place. L’UNESCO classe au patrimoine mondial. La ville et les maisons de Palestine ne sont plus tout à fait terra incognita. Bethléem. La Nativité grandiose de ses siècles Byzantins. La mosquée d’Omar en miroir. Les clochers dans le panorama pointent le ciel de la ville de tous leurs ordres religieux. Les hôtels en bordure parquent les cars du tourisme grégaire. Made in China. Ici comme ailleurs la ville est mondiale. Quitter la fascination descendre dans les rues. De hoshs en escaliers, de rues en ruelles voir des différences, des nuances, des architectures, des périodes. A Bethléem penser à Hébron, penser à Jaffa, comparer, décrire, dessiner, vouloir comprendre ces villes, ce qui les rapproche, saisir ce qui les distingue. Dessiner pour décrire, décrire pour connaître, connaître pour faire connaître. Bel enjeu. Architecture inédite, mystère des villes. Et si c’était vrai et si Claire L., Amélie C., Simon R., Lucie B., Estelle B., Michael M., Samantha L., Lucas M., Vincent B., Jennifer V., Lingren E., Lucie R., Carina S., Justine B., Lucie B., Cécile B., Chloé C., Lidia D., Alexandra E., Maxime G., Mathilde G., Géraud K., Marina P., Célia P., Saffran P., Hélène S., Ane-Asplin G., Alexandra B., Pierre B., Jonas D., François F., Silvia P., Amélie P., Léo P., Fabien P., Matthieu R., Zeineb S., Pauline S., Marie A., Justine B., Clara F., Emily C., Guillaume R., Matilde G., Orane H., Alexandra H., Ariane H., Maxime J., Jonathan L., Tiphaine L., Héloïse M., Lucile P., Pauline S. et tous les prochain(e)s, pouvaient, par la force de l’arpentage et du dessin, par leurs enthousiasmes cumulés, contribuer au « porter à connaissance » des villes et des architectures de Palestine —mémoire et actualité— comme autant de faits incontournables des projets de demain.
Luc Vilan (avec la participation d'Yves Roujon), Hébron, Bethléem, Hébron, regards croisés, in Neuf, annuel de l’ENSA-V, ENSA’V, Paris 2014